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L’utilisation illégale de la reconnaissance faciale par les forces de l’ordre en France : enjeux et perspectives. Par Myriam Driouch, Avocat.
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Parution : lundi 10 février 2025
Adresse de l'article original :
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L’utilisation des technologies de reconnaissance faciale par les forces de l’ordre est un sujet qui suscite de nombreuses inquiétudes en matière de libertés fondamentales. Récemment, un rapport d’octobre 2024 [1] passé inaperçu a révélé que la police et la gendarmerie françaises avaient eu recours au logiciel BriefCam, un outil doté d’une fonctionnalité de reconnaissance faciale pourtant interdite en France. Cette révélation pose plusieurs questions : comment une telle pratique a-t-elle pu avoir lieu malgré l’encadrement strict des technologies de surveillance en France ? Quels sont les risques pour les citoyens et les justiciables ? Et surtout, comment encadrer ces outils pour qu’ils servent réellement la justice sans menacer nos libertés individuelles ?
A travers cet article, nous allons analyser le cadre juridique français relatif à la reconnaissance faciale, revenir sur les faits révélés par ce rapport, étudier les risques associés à l’usage incontrôlé de ces technologies et proposer des pistes de réflexion sur un éventuel encadrement plus strict.
En France, l’utilisation de la reconnaissance faciale par les autorités est strictement encadrée par plusieurs textes nationaux et européens. La principale référence en la matière est le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), qui impose des règles strictes sur le traitement des données biométriques. À cela s’ajoute la Loi Informatique et Libertés, qui interdit en principe l’usage de la reconnaissance faciale sauf exceptions prévues par la loi.
En matière de sécurité publique, le cadre juridique français prévoit que les dispositifs de vidéosurveillance peuvent être utilisés par les forces de l’ordre, mais uniquement à des fins de visionnage et d’analyse des flux vidéo. L’identification biométrique en temps réel, comme la reconnaissance faciale, est en revanche interdite.
Certains dispositifs utilisant la reconnaissance faciale ont toutefois été autorisés de manière encadrée. On peut citer par exemple :
Un rapport publié en octobre 2024 a mis en lumière une utilisation illégale de la reconnaissance faciale par la police et la gendarmerie françaises. Selon ce document, les forces de l’ordre ont eu recours au logiciel BriefCam, un outil permettant l’analyse rapide de flux vidéo, notamment par reconnaissance faciale.
Le problème majeur réside dans le fait que cette technologie a été utilisée sans aucun cadre légal. Les autorités françaises avaient officiellement interdit cette fonctionnalité, mais les enquêteurs ont découvert que BriefCam avait tout de même été utilisé, notamment lors des émeutes de l’été 2023.
Le rapport précise que cet usage n’a conduit à aucune interpellation, ce qui souligne l’inefficacité de la technologie dans ce contexte. En outre, il met en lumière des dysfonctionnements administratifs dans l’acquisition du logiciel et un manque de contrôle sur son usage.
L’usage de la reconnaissance faciale en dehors du cadre légal constitue une violation des droits fondamentaux, notamment :
Ces atteintes sont d’autant plus graves que la reconnaissance faciale est une technologie qui n’est pas infaillible. Plusieurs études ont montré qu’elle produit un taux d’erreur élevé, en particulier sur les personnes issues de minorités ethniques, ce qui peut conduire à des arrestations abusives.
Si la reconnaissance faciale était autorisée pour les forces de l’ordre, cela pourrait ouvrir la porte à de nombreux abus :
Le Conseil d’État et la CNIL ont déjà émis plusieurs mises en garde sur ces dérives. En 2021, la CNIL avait rappelé que la reconnaissance faciale ne pouvait être utilisée par la police que dans un cadre strictement défini, ce qui n’a manifestement pas été respecté dans l’affaire BriefCam.
Le débat n’est pas uniquement français. À l’échelle européenne, des discussions sont en cours pour interdire définitivement la reconnaissance faciale en temps réel dans l’espace public, tant les risques de dérives sont grands.
L’affaire BriefCam met en évidence une faille dans le contrôle des outils de surveillance utilisés par la police. Il est impératif de mettre en place des mécanismes de supervision plus stricts, par exemple :
Si certaines formes de reconnaissance faciale peuvent être utiles dans le cadre judiciaire (ex : identification d’un suspect après un crime), il faut s’assurer que ces outils ne deviennent pas un moyen de surveillance généralisée.
Une piste de réflexion serait d’instaurer un cadre légal strict, inspiré du modèle européen, qui interdirait :
L’affaire BriefCam est révélatrice d’un problème plus large : l’absence de contrôle sur les nouvelles technologies de surveillance. Alors que la reconnaissance faciale se généralise dans le monde entier, il est crucial que la France ne cède pas à la tentation d’un État policier numérique où chaque citoyen serait potentiellement surveillé en permanence.
L’encadrement de ces outils est donc une nécessité absolue. Il appartient au législateur, aux magistrats et aux avocats de s’emparer de ce sujet pour garantir un équilibre entre sécurité et libertés fondamentales. La reconnaissance faciale ne doit pas devenir une menace pour l’État de droit, mais un outil utilisé avec parcimonie et uniquement dans le respect du cadre légal.
Si la police souhaite moderniser ses outils, elle doit le faire dans la transparence et la légalité, sans jamais mettre en péril les principes démocratiques qui fondent notre société.
Myriam Driouch Avocat au Barreau de la Seine-Saint-Denis [->[email protected]] www.myriam-driouch-avocat.frL'auteur déclare avoir en partie utilisé l'IA générative pour la rédaction de cet article (recherche d'idées, d'informations) mais avec relecture et validation finale humaine.
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