Acquisition d'un animal de compagnie : les impensés du certificat précontractuel d'engagement et de connaissance. Par Hania Kassoul, Maîtresse de conférences.

Acquisition d’un animal de compagnie : les impensés du certificat précontractuel d’engagement et de connaissance.

Par Hania Kassoul, Maîtresse de conférences.

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Explorer : # protection animale # droit des contrats # responsabilité civile # bien-être animal

Ce que vous allez lire ici :

La loi Dombreval renforce la protection des animaux en régissant la cession d'animaux de compagnie. Elle impose un certificat d'engagement et crée des règles pour éviter les achats impulsifs. Cependant, des lacunes demeurent concernant les sanctions civiles, ce qui soulève des questions sur le bien-être animal et le cadre contractuel.
Description rédigée par l'IA du Village

En saison de fêtes de fin d’année, le cri d’alarme des associations de protection animale retentit concernant le pic d’abandons en janvier, lequel serait corrélé aux achats compulsifs d’animaux à "offrir" pour Noël. Ce phénomène invite à revenir sur la cession d’animaux de compagnie en droit français. La loi Dombreval de 2021 a introduit un cadre juridique inédit pour la cession des animaux de compagnie, visant à enrayer les acquisitions irréfléchies et les abandons. En exigeant la formalisation précontractuelle d’un certificat d’engagement et un délai de réflexion, elle place le bien-être animal au centre du contrat de vente. Mais quelles sont les véritables implications de ces nouvelles obligations ? Il n’est pas certain que la portée normative de cette formalité soit garantie. Il est même possible que le processus de formation de la cession d’animaux soit exposé à des sanctions inadaptées à l’intérêt animalier. En toute hypothèse, cette mesure offre l’opportunité d’analyser la capacité du droit des contrats à réellement devenir un allié de la cause animale.

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La loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021, dite loi Dombreval, vise à renforcer la lutte contre la maltraitance animale et à conforter le lien entre les humains et les animaux. Elle a réformé le Code rural et de la pêche maritime pour repenser la cession (à titre gratuit ou onéreux) des animaux de compagnie, imposant un processus de formalisation du contrat de cession portant sur les chiens, chats, furets, lapins etc. Cette formalisation cherche à prévenir les achats impulsifs et les abandons, en responsabilisant les parties aux cessions organisant la circulation de millions d’animaux.

Le nouvel article L214-8 du Code rural exige la signature d’un "certificat d’engagement et de connaissance" des besoins spécifiques de l’espèce animale avant toute cession.

Concrètement, le texte impose, d’une part, une obligation à la charge du cessionnaire consistant à obtenir la délivrance du certificat auprès des personnes habilitées (voir notamment l’arrêté du 14 janvier 2022) ; d’autre part, une obligation à la charge du cédant consistant à "s’assurer que le cessionnaire signe le certificat".

Cette formalité à l’aspect très administratif (donnant lieu à des instructions ministérielles pour en clarifier le contenu Direction générale de l’alimentation, sous-direction de la santé et du bien-être animal, Bureau du bien-être animal [1]) vise à assurer que le cessionnaire est informé des besoins de l’animal cédé et engagé à bien traiter son nouveau compagnon.

Cependant, la loi est restée silencieuse sur les conséquences civiles de la non-formalisation du certificat, se limitant à des sanctions pénales [2]. La violation de ces obligations pourrait théoriquement entraîner la nullité du contrat, mais la sanction pose des problèmes pratiques et éthiques concernant le bien-être de l’animal : la nullité pourrait conduire à des restitutions inappropriées. Quel serait le sort d’un animal de compagnie ("être unique et irremplaçable destiné à recevoir l’affection d’un maître") restitué au cédant en conséquence de la nullité, d’autant que cette restitution est susceptible d’intervenir, compte de tenu des délais légaux d’action, plus de 5 ans après la conclusion du contrat ?

Le délai obligatoire de réflexion de sept jours (à compter de la délivrance du certificat et non de sa signature) a quant à lui pour but de différer le moment de la cession afin d’empêcher les acquisitions compulsives. Cette mesure pose néanmoins les mêmes difficultés : que se passe-t-il en cas de non-respect du délai ? Encore une fois, aucune sanction civile n’a été prévue par le législateur. Si le délai n’est pas respecté, la nullité du contrat pourrait là aussi être invoquée, ce qui ouvrirait la porte à un opportunisme postcontractuel, ayant notamment pour but d’obtenir remboursement du prix de la cession en cas de regrets tarifs du cessionnaire. Il apparaît ainsi que le législateur a multiplié les causes de nullité de la cession d’animaux de compagnie, sans qu’il soit certain que les conséquences de ce risque aient été pleinement mesurées.

L’analyse de ces nouvelles dispositions révèle à ce titre un besoin de clarification et d’adaptation des sanctions civiles pour que la loi atteigne effectivement ses objectifs de protection. La nullité étant inadaptée à la durée de vie et aux besoins de stabilité affective des animaux de compagnie, elle pourrait être remplacée par des mécanismes plus sécurisés comme la mise en place d’un simple délai de rétractation - lequel n’expose pas le contrat à un risque d’annulation tardive - ou par la concentration des efforts législatifs sur l’adaptation du droit commun (particulièrement en cas d’inexécution de l’engagement).

D’ailleurs, la loi Dombreval a, malgré ses faiblesses techniques, ouvert des perspectives en faveur d’un renouvellement conceptuel du droit des contrats, en intégrant des obligations non seulement patrimoniales mais aussi comportementales, centrées sur l’intérêt purement animalier. On pourrait à ce titre imaginer qu’en cas de non-respect de son engagement par le cessionnaire, la voie contractuelle permettrait la résolution du contrat en vue de lui retirer un animal dont les besoins ne seraient pas satisfaits. En ce sens, le certificat dépasse la simple fonction de formalité informative précontractuelle : son contenu intègre le champ du contenu contractuel et pourrait justifier une sanction de l’inexécution de l’engagement. Cette possibilité serait particulièrement utile aux contrats d’adoption associatifs, lesquels donnent régulièrement lieu à des différends portant sur la restitution d’animaux dont l’adoption n’est pas satisfaisante mais dont la reprise entre les mains de l’adoptant s’avère semée d’embuches pour l’association désireuse de récupérer l’animal.

Il s’agit d’un véritable changement de paradigme contractuel pouvant conduire à une conception moins économique et instantanée du contrat de cession, lequel internalise désormais le bien-être de l’animal au sein d’un engagement durable. Cette ouverture de l’horizon du droit des contrats à un intérêt supérieur (aux seuls intérêts du débiteur ou du créancier des obligations) suggère l’émergence d’un droit des contrats plus sensibles aux enjeux animaliers, offrant potentiellement au juge le pouvoir de contrôler l’opportunité des sanctions civiles, à l’aune d’un critère éthique [3]. A la lumière du nouvel article 515-14 du Code civil, une telle approche pourrait transformer la cession d’animaux en un acte plus altruiste, éloignant ce contrat spécial de son effet principalement réificateur des animaux pour le rapprocher d’un engagement plus éthique envers les êtres vivants.

Hania Kassoul, Maîtresse de conférences en droit privé et sciences criminelles
Centre d’Etude et de Recherche en Droit des Procédures n° UPR 1201

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Notes de l'article:

[2Faibles peines d’amendes prévues par de décevants décrets D. n° 2022-1012, 18 juill. 2022, relatif à la protection des animaux de compagnie et des équidés contre la maltraitance animale. - D. n° 2022-1354, 24 oct. 2022, relatif à la protection des animaux de compagnie.

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