(Découvrir / Art contemporain) : Le nouveau Quadrilatère, Centre d’Art de Beauvais.
Par la rédaction de Liberalis
Il fut un temps où le parvis de la majestueuse cathédrale Saint-Pierre de Beauvais, qui célèbre cette année ses 800 ans d’histoire vertigineuse, bruissait des allées et venues des artisans de la Manufacture de tapisserie. Dans les entrelacs du fil et du geste, ce lieu emblématique tissait la renommée d’un savoir-faire séculaire. Mais en 1940, les bombardements de la Seconde Guerre mondiale balayèrent ces ateliers, ne laissant derrière eux que la mémoire d’un art en suspens.
- Le Quadrilatère et la Cathédrale de Beauvais – photo JLRF
C’est à André Malraux, visionnaire ministre de la Culture du général de Gaulle, que l’on doit la renaissance de cet héritage. Avec cette fougue lyrique qui le caractérisait, il lança l’idée d’un lieu dédié à la tapisserie, conçu non comme un simple musée, mais comme un manifeste de modernité. En 1976, la Galerie nationale de la tapisserie voyait le jour, tel un phénix surgissant des cendres d’un passé glorieux.
Le bâtiment fut confié à André Hermant, figure discrète mais influente de l’architecture du XXe siècle, qui avait notamment œuvré à la métamorphose du parvis de Notre-Dame de Paris et à l’élaboration du Musée Marc Chagall de Nice. À Beauvais, Hermant signe une architecture audacieusement horizontale, tout en lignes pures et volumes géométriques, en contrepoint saisissant de la verticalité céleste de la cathédrale gothique. Une opposition assumée, presque théâtrale, qui crée un dialogue silencieux entre les siècles.
En 2013, tournant décisif : la Ville de Beauvais devient propriétaire des lieux. La Manufacture nationale des tapisseries déménage dans un bâtiment patrimonial à quelques encablures, et la Galerie se mue en un nouvel espace, élargi à tous les arts visuels. Elle prend alors un nom évocateur : Le Quadrilatère. Un nom à la résonance géométrique, mais aussi symbolique, cristallisant les quatre axes fondateurs de sa nouvelle vocation : création, arts, patrimoine et tourisme.
Ce changement de cap s’accompagne aujourd’hui d’une spectaculaire réhabilitation signée Chatillon Architectes, connus pour leurs restaurations élégantes du Grand Palais et du Musée Carnavalet à Paris. Le renouveau se donne à voir dès l’entrée, avec un atrium baigné de lumière et un escalier suspendu, presque sculptural, imaginé par Simon Chatillon : un trait d’union aérien entre passé et présent.
En plein cœur du quartier historique, à quelques pas du MUDO, Musée de l’Oise, Le Quadrilatère inaugure sa nouvelle vie culturelle sous la direction de Lucy Hofbauer avec une saison intitulée Écrire l’espace, un hommage sensible aux relations entre art et architecture.
- Toiles de Cécile Bart dans le cadre de « Peu importe les ressemblances » au Quadrilatère de Beauvais – photo JLRF
Parmi les expositions phares, celle de Cécile Bart, Peu importe les ressemblances, invite à une déambulation chromatique et sensorielle. Ses voiles colorés modulent la lumière et transforment le bâtiment en un espace mouvant, presque vivant, où le visiteur devient acteur. En contrepoint, l’exposition André Hermant, architecte iconographe dévoile une facette méconnue du concepteur des lieux : celle d’un penseur de la forme, amateur d’images, et explorateur des correspondances visuelles entre nature et architecture.
Le centre accueille également Stéphanie Mansy, dont le projet Les Infeuilletables, né d’une résidence de création, se déploie en une fresque monumentale et une série de cinq installations, chacune comme un chapitre d’un récit plastique et intime.
Le parcours ne s’arrête pas aux cimaises : un dispositif interactif a été pensé pour plonger les visiteurs dans l’histoire de Beauvais de manière ludique, mêlant exploration urbaine et immersion virtuelle. L’un des moments les plus marquants de la visite reste l’accès à la crypte, dévoilée comme un trésor enfoui. Une passerelle discrète y mène, surplombant les vestiges gallo-romains et les objets exhumés lors des fouilles.
Et pour parfaire cette exploration de la mémoire tissée de la ville, un détour s’impose par la Manufacture nationale de tapisserie de Beauvais, fondée en 1664 par Colbert, toujours en activité. Installée dans les anciens abattoirs municipaux de 1851, elle fait entendre le chant des métiers à tisser. Ils sont encore dix en activité, où naissent de monumentales tapisseries contemporaines signées Jean-Michel Othoniel, Paul-Armand Gette entre autres, et la tradition du tissage de tapisseries de sièges. Entre tradition et modernité, ces murs vibrent encore du souffle patient du fil et de la trame.
- Œuvre aérienne de Cécile Bart dans le cadre de « Peu importe les ressemblances » au Quadrilatère de Beauvais – photo JLRF
Le Quadrilatère, 22 rue Saint-Pierre, 60000 Beauvais
Informations : https://www.lequadrilatere.fr
Manufacture nationale de tapisserie de Beauvais, 24 rue Henri Brispot, 60000 Beauvais
Informations : https://www.mobiliernational.cultur...
Photo en logo : Les vestiges d’une tour de l’enceinte de la ville, dans l’espace réservé à l’histoire de Beauvais – photo JLRF