Pourtant, lors du dernier Sommet « Choose France », vous avez émis le souhait que la Directive européenne sur le devoir de vigilance (CS3D) soit écartée alors même qu’elle a été adoptée par le Conseil, la Commission et le Parlement de l’UE après quatre ans de discussions.
Nous sommes des expert(e)s qui viennent du monde de l’entreprise et du monde syndical, des cabinets de conseils et d’avocats, des universitaires et des représentants la société civile très impliqués dans la mise en œuvre par les entreprises des programmes de vigilance et de diligence raisonnable des droits humains, de la protection de l’environnement et de la lutte contre le changement climatique.
Nos expériences professionnelles nous ont convaincus qu’il est non seulement souhaitable mais aussi tout à fait possible de réconcilier le respect des droits humains et de l’environnement avec la nécessaire profitabilité et une compétitivité durable des entreprises.
S’il est exact que l’industrie européenne souffre d’une perte de compétitivité celle-ci ne saurait être liée à un texte qui, bien qu’adopté, n’est pas encore opérationnel. Elle se manifeste en réalité depuis trente ans, comme le soulignent les rapports dits “Draghi” et “Letta”, qui préconisent un ensemble d’actions offensives et défensives.
La CS3D est l’une de ces actions visant à rétablir une concurrence équitable.
La Directive est en effet offensive, en affirmant l’attachement de l’UE au respect de valeurs universelles et fondamentales, mais également défensive, car elle s’applique aussi aux entreprises étrangères qui ont des activités significatives au sein de l’UE. Ainsi ces entreprises devront s’aligner sur les standards européens.
Cette expression d’une souveraineté européenne qui a déclenché l’irritation des pays comme les États Unis et la Chine, est un message fort : « en Europe fais comme les Européens ».
Un alignement de l’UE « vers le bas » ne peut être que gravement préjudiciable aux intérêts européens, et certainement aux intérêts français car il conduit inévitablement à une situation « perdant-perdant ». L’histoire l’a déjà démontré avec la question de la taxation internationale dans les années 80 et 90. Il a fallu quinze ans de discussion pour rétablir l’équilibre et aboutir à un accord international sur un taux de taxation minimale des multinationales grâce, notamment, à l’action de la France dans le cadre de l’OCDE… mais que de temps et d’énergie pour revenir à une situation satisfaisante.
Ainsi, dans un contexte international tendu, la suppression de la CS3D ne pourra qu’être considérée comme un signe de faiblesse et de renonciation. Cela constituerait un précèdent pour remettre en cause d’autres législations récentes comme le Digital Service Act ou le Digital Market Act qui reposent sur la même logique que la CS3D.
De fait, la Banque Centrale Européenne dans son opinion du 8 mai 2025 a indiqué les avantages pour les investisseurs d’une position unique européenne en matière de durabilité des entreprises.
La non-transposition de la CS3D - alors même que la France s’est dotée d’une législation similaire dès 2017 - mettrait à nouveau les entreprises françaises dans une position désavantageuse, y compris à l’égard d’autres pays de l’UE qui ne disposent pas d’une telle législation.
Nous voulons croire, Monsieur le Président, que vous saurez très prochainement nous rassurer, en soutenant la finalisation rapide de la Directive, il en va de la compétitivité des entreprises françaises et européennes. Nous avons les cartes en main, utilisons-les ! »