Le financement de la prolifération des armes de destruction massive est une activité financière en pleine croissance. Cette criminalité implique le transfert de fonds et d’actifs pour soutenir le développement, l’acquisition ou le transfert d’armes chimiques et nucléaires. En tant que menace pour la paix et la sécurité internationales, le financement de la prolifération des armes de destruction massive est l’un des fléaux les plus combattus par les organisations internationales, notamment les Nations Unies, le Fonds Monétaire International et le Groupe d’action financière (GAFI). Ce dernier, pour limiter les effets dévastateurs de cette activité sur l’humanité et l’environnement, a établi des instruments juridiques et formulé des recommandations visant à renforcer la lutte contre ce fléau. Dans cette perspective, il a recommandé à tous les États membres de conférer le caractère d’infraction pénale au financement de la prolifération des armes de destruction massive. S’alignant sur cette recommandation, la Côte d’Ivoire, soucieuse de préserver la paix et la sécurité, a érigé cette activité illégale en infraction pénale par l’adoption de l’ordonnance n°2023-875 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive, qui est consubstantielle à notre champ d’étude.
Par financement de la prolifération des armes de destruction massive, il faut entendre l’apport de capitaux ou de fonds destinés, directement ou indirectement, à l’acquisition, la possession, le développement, l’exportation, le transbordement, le stockage ou l’emploi d’armes nucléaires, chimiques, biologiques, de leurs vecteurs et de matériels associés. C’est une infraction qui constitue une réelle menace pour le maintien de la paix.
Envisagé une étude de cette infraction, présente un intérêt certain, en ce sens qu’elle nous permettra de mieux comprendre le processus d’incrimination de l’infraction du financement de la prolifération des armes de destruction massive au sein du droit pénal ivoirien.
De là découle le problème de droit suivant : comment l’infraction de financement de la prolifération des armes de destruction massive est-elle incriminée en droit ivoirien ?
Cette étude n’a pas pour ambition d’expliquer l’intégralité de l’ordonnance relative à l’infraction du financement de la prolifération des armes de destruction massive. Elle se concentrera à faire la description de son aspect répressif, notamment par l’analyse de ses éléments constitutifs (I) tels qu’ils sont définis dans l’ordonnance, ainsi que des sanctions prévues à cet égard (II).
I- Les éléments constitutifs du délit de financement de la prolifération des armes de destruction massive.
La définition du délit de financement de la prolifération des armes de destruction massive est fournie par l’article 11 de l’ordonnance n’2023- 875 relative à la lutte contre le Blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et de la prolifération des armes de destruction massive. Comme toute infraction, il suppose la réunion de plusieurs éléments matériels (A) et d’un élément moral (B).
A- Les éléments matériels du délit de financement de la prolifération des armes de destruction massive.
La lecture de l’article 11 de l’ordonnance révèle que l’infraction de financement de la prolifération des armes de destruction massive est constituée par divers actes qui peuvent être regroupés en deux catégories distinctes : les actes de financement et des actes de soutien ou d’incitation.
La première catégorie d’acte constituant cette infraction concerne la fourniture, la collecte, ou la gestion de fonds, valeurs ou biens, ou encore le conseil visant à obtenir ces ressources, en sachant qu’elles seront utilisées, en tout ou en partie, pour la fabrication, l’acquisition, la possession, le développement, l’exportation, le transbordement, le courtage, le transport, le transfert, le stockage ou l’emploi d’armes nucléaires, chimiques, biologiques, de leurs vecteurs et matériels associés.
Quant à la seconde catégorie d’actes, l’article 11, alinéa 3 précise que le fait d’aider, d’inciter, ou d’assister une personne à commettre cette infraction, ou d’en faciliter l’exécution, constitue également un délit de financement de la prolifération, même en cas de tentative. En plus, de ces éléments matériels, pour que l’infraction du financement de la prolifération puisse être constituée, il faut un élément moral.
B- L’ élément moral.
De façon classique, il n’y a pas d’infraction sans une intention de la commettre. Le financement de la prolifération, comme toute infraction, requiert chez l’agent une intention coupable, c’est-à-dire le fait d’agir en connaissance de cause. Dans ce sens, pour que l’on retienne la qualification du délit de financement de la prolifération des armes de destruction massive, l’article 11 précise que l’agent doit “procurer délibérément un financement” ou savoir que ces fonds sont destinés à l’acquisition, la possession, au transfert ou au stockage d’armes nucléaires, chimiques ou biologiques. En d’autres termes, l’agent doit avoir agi intentionnellement en sachant que les fonds sont destinés à des activités de prolifération. Ainsi, selon le dernier alinéa de l’article 11, cette connaissance ou intention, en tant qu’éléments des activités de prolifération, peut être déduite de circonstances factuelles objectives.
Pour parler d’incrimination du délit de financement de la prolifération des armes de destruction massive, il faut nécessairement la réunion d’un élément matériel et d’un élément intentionnel. Lorsque ceux-ci sont établis, des sanctions peuvent être envisagées.
II- Les sanctions du délit de financement de la prolifération des armes de destruction massive.
L’ordonnance de 2023 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et de la prolifération des armes de destruction massive prévoit des sanctions à l’égard de toutes les personnes physiques (A) ou morales (B) qui se rendent coupables du délit de financement de la prolifération des armes de destruction de massive.
A- Les sanctions applicables aux personnes physiques.
Les sanctions applicables aux personnes exigent de faire la distinction entre le financement de la prolifération simple et aggravé.
Le financement de la prolifération des armes de destruction massive simple est sanctionné par les dispositions de l’article 192 de l’ordonnance précitée. Ainsi, les personnes physiques coupables de cette infraction sont punies d’une peine d’emprisonnement de cinq (5) ans à dix (10) ans et d’une amende égale au moins au quintuple de la valeur des biens ou des fonds ayant fait l’objet des opérations de financement de destruction massive. Par ailleurs, sont punies des mêmes peines non seulement toute tentative, mais aussi, selon l’article 193, toute entente ou participation à une association en vue de la commission d’un acte constitutif de cette infraction, l’association pour commettre ledit acte, ainsi que l’aide, l’incitation ou le conseil donné à une personne physique ou morale en vue de l’exécuter ou d’en faciliter l’exécution.
Le financement de la prolifération aggravé est celui qui alourdit la responsabilité de l’agent.
Ainsi, en application des dispositions de l’article 192, les peines prévues à cet article sont portées au double :
- Lorsque l’infraction de financement de la prolifération est commise de façon habituelle ou en utilisant les facilités que procure l’exercice d’une activité professionnelle ;
- Lorsque l’auteur de l’infraction est en état de récidive, auquel cas les condamnations prononcées à l’étranger sont prises en compte pour établir la récidive ;
- Lorsque l’infraction de financement de la prolifération des armes de destruction massive est commise par un groupe criminel.
En plus de ces sanctions pénales, les personnes physiques coupables de financement de la prolifération des armes de destruction massive peuvent être frappées de peines complémentaires facultatives, comme des interdictions et des peines de confiscation visant à confisquer les biens, fonds et autres ressources économiques et financières liés à l’infraction (article 203).
Tout comme les personnes physiques, les personnes morales encourent, elles aussi, des sanctions pénales.
B- Les sanctions pénales applicables aux personnes morales.
Les personnes morales coupables du délit de financement de la prolifération des armes de destruction massive encourent des sanctions pénales. Ainsi, selon l’article 199, les personnes autres que l’État, pour le compte ou le bénéfice desquelles une infraction de financement de la prolifération a été commise par l’un de leurs organes ou représentants, sont punies d’une amende d’un montant égal au quintuple de celle encourue par les personnes physiques, sans préjudice de la condamnation de ces dernières comme auteurs ou complices des mêmes faits. Le même article précise que les personnes morales, autres que l’État, peuvent, en outre, être condamnées à l’une ou plusieurs des peines suivantes : l’exclusion des marchés publics, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans ; l’interdiction, à titre définitif, d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales à l’occasion desquelles l’infraction a été commise, pour une durée de dix ans au plus, etc.
Discussions en cours :
Cher Kané, la chance est pour nous de voir des espoirs intellectuel dans notre domaine d’étude. Merci de toujours incarner ces valeurs juridiques que vous pronez.
Vous avez une belle plume juridique.
Merci très cher Kane pour votre brillante analyse très pertinente et instructive .